« Il faut avoir de la passion; et une vision à long terme. C’est difficile d’expliquer àsa famille
ce
qu’on a accompli ce jour-là, car ce sont chaque fois de touts petits pas en avant. On doit être
capable de faire face à la déception.
Être curieux. Résilient. Cette étude, par exemple, a été
lancée il y a quatre ans et nous n’aurions pas pu faire plus vite ».

Voilà les mots de Dr Anke Van der Perren, scientifique responsable d’une équipe de la KU Leuven qui a récemment publié les résultats d’un projet de recherche qui pourrait conduire à l’amélioration du diagnostic, du traitement et même … un jour … à un remède pour la maladie de Parkinson et d’autres troubles neurodégénératifs.

Le Dr Van der Perren travaille au laboratoire de neurobiologie et de thérapie génique, dirigé par le Professeur Veerle Baekelandt, qui étudie le cerveau et la maladie de Parkinson depuis plus de 20 ans:

« Je suis toujours étonnée par la complexité de la maladie de Parkinson. Elle est sous-étudiée par rapport à la maladie d’Alzheimer ou au cancer, et nous avons besoin de plus de recherche fondamentale. Il nous manque encore beaucoup de connaissance. C’est comme un grand puzzle et chaque pièce que l’on peut trouver et placer aide à construire l’image complète ».

(Photo : l’équipe du Laboratoire de neurobiologie et de thérapie génique. Professeur Baekelandt porte un t-shirt bourgogne au premier rang. Dr Van der Perren est à l’extrême gauche de la deuxième rangée dans un haut rose).

LA FORME EST IMPORTANT

La « pièce du puzzle » que l’équipe de la KU Leuven a publiée le mois dernier explique comment l’accumulation d’une protéine particulière dans le cerveau est à l’origine de trois maladies très différentes. Jusqu’à récemment, personne ne comprenait comment les dépôts de protéines de type α-synucléine, que l’on trouve dans le cerveau des patients atteints de la maladie de Parkinson (MP), d’atrophie multisystémique (AMS) et de démence à corps de Lewy (DCL) pouvaient entraîner des troubles cliniques aussi différents.  L’équipe de la KU Leuven a montré que c’est la forme de la protéine qui détermine la pathologie finale.

« Tout comme différents blocs de Lego font différents bâtiments, différentes formes de la protéine mènent vers différentes maladies », a déclaré le professeur Baekelandt lors d’une conversation avec la Demoucelle Parkinson Charity.

La maladie de Parkinson touche environ deux pour cent de la population de plus de 60 ans, soit environ 40 000 personnes en Belgique. La maladie se manifeste principalement par des problèmes moteurs. La démence à corps de Lewy (DCL) est moins fréquente (touchant 0,4 % des personnes de plus de 65 ans), mais elle reste la deuxième forme de démence la plus courante, après la maladie d’Alzheimer. L’atrophie multisystémique (AMS) est une maladie rare mais très agressive pour laquelle il n’existe pratiquement aucun traitement. Elle provoque divers problèmes de santé, notamment des douleurs générales, des problèmes de vessie et d’hypotension, ainsi que des problèmes moteurs. La plupart des patients succombent à la maladie dans les cinq à dix ans.

S’appuyant sur une étude antérieure où l’équipe avait utilisé des protéines « cultivées » en éprouvette et où les différentes formes avaient été identifiées pour la première fois, le Dr Van der Perren a travaillé avec le Centre National Français de la Recherche Scientifique (CNRS) et l’Imperial College de Londres pour déterminer d’une part si ces différentes formes étaient également présentes dans les tissus humains de patients décédés et pour identifier d’autre part quel impact ces différentes formes avaient sur le développement de la maladie chez des animaux de laboratoire (rats).

Pendant leur étude, les chercheurs ont pu identifier deux formes de la protéine: une forme hélicoïdale pour l’atrophie multisystémique (AMS) et pour Parkinson, et une forme cylindrique pour la démence à corps de Lewy (DCL). La forme en question détermine également la gravité des symptômes de la maladie: en cas d’AMS (la forme hélicoïdale), les symptômes sont apparus plus rapidement et plus agressivement, tandis qu’en cas                                                                                                                                          de DCL (la forme cylindrique), ils étaient plus modérés.

« Avec notre étude, nous avons trouvé l’empreinte de la maladie », a déclaré le professeur Baekelandt.  « A l’avenir, cela permettra un meilleur diagnostic et, en principe, nous pourrions découvrir des molécules ou des anticorps qui pourraient reconnaître la forme spécifique et permettre un traitement très ciblé.  Nous avons tous besoin d’α-synucléine. Il sera donc important d’avoir un traitement direct qui cible uniquement l’α-synucléine toxique ».

Toutefois, si le professeur Baekelandt et le Dr Van der Perren sont certains que différentes formes d’α -synucléine toxique provoquent différentes maladies, elles s’empressent de souligner qu’elles ne savent pas pourquoi l’α -synucléine change de forme (bien qu’elles soupçonnent que des déclencheurs environnementaux jouent un rôle), quelle quantité d’α -synucléine toxique est nécessaire pour produire des symptômes de maladie ou quel impact exact ces formes présentes dans différentes parties du cerveau ont.

« Nous avons beaucoup de questions nécessitant d’autres études scientifiques », dit le Dr Van der Perren, qui s’intéresse particulièrement aux différentes réponses immunitaires de l’organisme face à ces différentes formes d’α-synucléine.

BESOIN DE FINANCEMENT

Cependant, comme le professeur Baekelandt s’empresse de le souligner, rien ne garantit que des réponses seront trouvées, en particulier si la recherche fondamentale, comme le travail minutieux effectué par son laboratoire, n’est pas suffisamment financée.

« Le financement des études précliniques est en baisse », a-t-elle déclaré. « Les gens passent parfois trop vite aux études cliniques, alors que je pense que nous avons besoin de plus d’efforts/de personnes travaillant sur les fondements de la maladie. Nous devons apprendre à marcher avant de pouvoir courir ».

Le financement du secteur privé est limité pour la recherche fondamentale car les risques sont élevés et le délai de mise sur le marché trop long pour être commercialement intéressant. Les financements publics ou européens sont souvent très spécifiques et limités dans le temps, ce qui rend difficile le suivi de la science (plutôt que de l’argent).  C’est donc là que des fondations et des organisations caritatives telles que la Demoucelle Parkinson Charity en Belgique ou la Michael J. Fox Foundation aux États-Unis jouent un rôle particulièrement important.

« Si nous pouvions passer moins de temps à rédiger des demandes de subventions et si nous pouvions financer davantage de nos propositions de recherche, nous pourrions avancer plus rapidement », a déclaré le professeur Baekelandt.

Bien sûr, la crise sanitaire actuelle a également eu des répercussions sur la capacité de l’équipe à travailler à plein régime: les nouvelles expériences ont été interrompues pendant plusieurs semaines et des règles strictes de distanciation sociale sont appliquées à ceux qui travaillent en laboratoire. Et, si le professeur Baekelandt se réjouit du regain d’intérêt de la société pour la science et de la reconnaissance de l’importance de la recherche scientifique, elle fait part de son inquiétude quant au financement futur de la maladie de Parkinson et d’autres troubles neurologiques.

« Les gens se rendent compte maintenant que la recherche est nécessaire. Mais il y a un risque que (tout le financement) aille aux maladies infectieuses », a-t-elle déclaré. « Nous devons continuer à faire valoir nos arguments avec force pour aller de l’avant ».


Pour visionner un court métrage en néerlandais et en anglais sur le laboratoire du professeur Baekelandt et ses recherches, veuillez cliquer ici.

 

Photo by Michael Longmire on Unsplash