L’humoriste belge Richard Ruben fait régulièrement partie de l’équipe  » Run, or Walk, for Parkinson «  lors des 20 km de Bruxelles, parcourant le circuit emblématique de la capitale avec d’autres membres de la #teambeatparkinson.

Il s’est entretenu avec Anne-Marie Demoucelle, cofondatrice de la Demoucelle Parkinson Charity, sur ses liens avec la maladie de Parkinson, sur le plaisir de se sentir membre de la communauté  » Run, or Walk, for Parkinson «  et sur le rôle que l’humour peut jouer face à l’adversité.

—- Si vous souhaitez participer à « Run, or Walk, for Parkinson » cette année, vous êtes les bienvenus ! Richard s’est déjà inscrit ! 🙂 Inscrivez-vous ici !

——————————————

Anne-Marie
Comment ou pourquoi êtes-tu concerné, touché par la maladie de Parkinson ? 

Richard Ruben
A quatorze ans, j’ai appris que ma grand-mère était atteinte de Parkinson, depuis déjà huit ans. La maladie devenue visible. J’en ai vraiment pris conscience lorsqu’elle a été victime d’un accident de parcours dû à Parkinson. Cela m’a fort impressionné. Il existait des médicaments, mais on était bien moins loin qu’aujourd’hui dans la recherche et donc les gens se dégradaient plus rapidement. On ne savait pas quoi faire. Et comme souvent quand quelque chose t’interpelle durant l’enfance, tu le gardes en tête ta vie durant.

Actuellement, quelqu’un, proche de moi, a Parkinson, donc cela me sensibilise à nouveau aujourd’hui.

Trois maladies m’ont toujours touché. Elles restent pour moi des énigmes, des grandes énigmes. Ce sont Alzheimer, Parkinson et la sclérose en plaques. Je trouve ces trois maladies totalement injustes et arbitraires. Qui sera frappé par ces maladies? Mystère ! Parkinson fait partie de ces trois maladies qui ont hanté un peu ma jeunesse. Ce sont des maladies qui me font peur parce qu’on se trouve diminué même si je vois qu’aujourd’hui on arrive à vivre avec ces maladies.

Quand je vois dans quel état d’optimisme est ton mari Patrick, c’est un bel exemple. Il a toujours son intégrité, il gardera toujours sa liberté. C’est un homme libre. Si je devais dire ce qu’il est ? Je dirais un homme libre dans sa tête.

Anne-Marie
Très chouette de le dire comme ça. Cela te parle le fait que ce soit un homme libre ?

Richard Ruben
Je suis un électron libre, ce qui m’a fait dans la vie perdre du temps et de l’argent. Mais je n’ai jamais travaillé avec des mauvaises personnes pour de mauvaises raisons. J’ai toujours travaillé avec les bonnes personnes pour de bonnes raisons.

Je suis un optimiste, je suis un optimiste qui voit la pire des situations, toujours. Et parfois la situation est pire encore que ce qu’on croyait. Mais en imaginant le meilleur, toujours, ça contrebalance et cela permet de garder l’espoir.

Et avec les années, j’ai évolué, si j’ai une déconvenue financière ou si quelque chose ne se passe pas comme je le voudrais, je me dis : « tu es en bonne santé ? Autour de toi, tu es aimé et tu aimes les gens ? » Euh oui. Alors qu’est ce qui peut m’arriver ? A 56 ans, même si j’ai toujours l’impression d’être un gamin, je suis un peu plus philosophe.😊

Anne-Marie
Run, or Walk, for Parkinson, pourquoi participes-tu depuis des années ?

Richard Ruben
Parce que l’espace d’une heure avant la course et une demi-heure après celle-ci, on a l’impression de vivre en colonie de vacances. En fait, ce que je regrette dans mon métier, dans mon one man show, c’est que c’est rarement une colonie de vacances. Oui, quand je participe à des émissions de télé ou des plateaux d’artistes, on est plein de comédiens, on rigole. Mais sinon, moi je rencontre les gens, un par un dans mon métier. Moi, j’aime la connexion. Quand je viens chez vous, il y a cet esprit de bande. Déjà, les 40 000 ou 30 000 personnes avec qui on est au 20 kilomètres, on a l’impression de les connaître tous.

Anne-Marie
Oui. Effectivement. Il y a quelque chose.

Richard Ruben
Mais voilà, j’aime bien cet esprit. On court tous ensemble vers un même point d’arrivée. On a plein d’objectifs différents : de chrono ; de bien être ; de servir une cause… Après la course, quand tu rentres chez toi, il est 13 h, 13 h 30. Tu as l’impression de ne pas avoir perdu ton temps, ni pour ta santé, ni pour l’œuvre que tu as servie. J’aime aussi cette ambiance car elle oblige à la modestie.

Anne-Marie
Nous sommes toujours ravis de te compter parmi nous. Tu apportes une énergie supplémentaire à l’équipe avant le début de la course et il est agréable de décompresser en ta compagnie après l’effort ! Merci pour tout ce que tu fais au nom de l’organisation caritative et pour soutenir la cause.

Richard Ruben
En quoi est-ce qu’un artiste peut être important ? Dis-moi si je me trompe. C’est pour l’image de l’œuvre. Pour les sponsors, peut être que ça peut amener de l’eau au moulin. Je ne suis pas prétentieux, Je ne pense pas que ça peut amener de l’argent à ce point, que Ruben ou Tartenpion participe, mais le fait que tu sois là en tant qu’artiste, apporte une petite pierre à l’édifice. Les sponsors vont peut-être être plus intéressés l’année suivante si on peut dire dans le dossier on a eu machin, il est venu, il a couru, c’est sérieux. Voilà, c’est symbolique en fait mais les symboles, parfois, c’est plus fort que beaucoup de choses. Je ne suis qu’un petit maillon d’une grande chaine d’éléments qui fait que vous avez des sponsors qui financent la recherche.

Et pour moi, qu’est-ce que cela m’apporte de courir avec DPC? Ca me fait du bien de savoir que je ne cours pas pour rien. Dans mon métier, on se regarde le nombril tout le temps. Les artistes sont un peu égocentriques. Moi j’ai toujours pris du recul sur tout. Donc, c’est important de servir à quelque chose.

Anne-Marie
Tu parlais de ton métier, l’humour. Ici on parle de la maladie de Parkinson – de difficultés, de maladies dégénératives, incurables, etc. L’humour par rapport à ça ? Dans ton expérience, dans quelle mesure est ce que l’humour peut être quelque chose de bien quand il y a des difficultés ? Et je ne parle pas que de maladies. Quand des gens sont confrontés à des difficultés, quel peut être le rôle de l’humour ?

Richard Ruben
Il y a une phrase qui résume bien ce qu’est l’humour. De mémoire, c’est: « L’humour, c’est un peu comme les essuie-glaces ça ne nous débarrasse pas de la pluie, mais ça nous permet d’avancer. » 

Anne-Marie
Oh, c’est super bien!

Richard Ruben
Ça veut dire que ça ne règle pas tout, mais ça nous permet de continuer. L’humour est la politesse du désespoir. C’est une phrase très connue et moi j’y ai rajouté un morceau dans mon spectacle, « Ruben procrastine »  : « L’humour est la politesse du désespoir et le stand up, son défouloir ». Parce que le stand up, c’est vraiment l’expression physique de cet humour. Mais L’humour peut être traduit de nombreuses manières, par le stand up, par l’écriture, par la caricature. L’humour est multiple.

Mais c’est vrai que pendant 1 h et demie, les gens oublient leurs soucis quand ils viennent nous voir. On distrait un peu les gens. Mais si on disparaît, à titre individuel, on est tellement d’humoristes que ça ne changera pas le cours des choses, j’en suis bien conscient. Il y a des artistes qui pensent qu’ils ont une portée philosophique – hé, on se calme. Je ne conçois pas l’humour sans un peu de sens. L’humour peut distraire et parfois faire réfléchir en même temps car le plus souvent on rit du malheur.

L’humour commence par des observations de la vie quotidienne. Le premier acte d’humour engagé, aussi petit soit-il, était sans doute :Le type qui est tombé sur une peau de banane

L’humour peut faire passer des messages forts en douceur à la manière de ce que faisait Coluche. Il se moquait des conditions de vie des gens pauvres, mais il les rendait visibles et les comprenait. Coluche prenait par son humour la défense des classes défavorisées

L’humour défend plein de causes. Du coup les gens  concernés se sentent un peu moins seuls. 

Anne-Marie
Tu dis que les gens, pendant qu’ils assistent à un spectacle, même s’ils ont des difficultés, les oublient un peu. Dans quelle mesure conseillerais-tu aux gens qui ont des difficultés d’essayer eux-mêmes de mettre un peu d’humour dans leur vie?

Richard Ruben
J’ai remarqué que les gens qui sont optimistes et qui rient, ont souvent une meilleure santé que les gens qui n’arrêtent pas de se lamenter. Se lamenter ne sert à rien, en fait

Anne-Marie
C’est donc bien de rire et de faire rire. A priori, tout le monde est capable de rire. Mais ‘faire rire’ – est-ce quelque chose qu’on peut apprendre ?

Richard Ruben
On a des dispositions. On peut ne pas être comique, mais parce qu’on est comédien, on trouve le truc pour être drôle. Il y a aussi des gens qui ont la vis comica. La vis comica, c’est le rire naturel. Ils arrivent sur un plateau, ils disent une bêtise, les gens rient, Ça, c’est formidable. Moi, je l’ai parfois. Je ne sais pas si je l’ai tout le temps, la vis comica. Moi, par contre, je suis un showman.

Le rire et l’émotion ne sont jamais loin. Même dans les plus gros éclats de rire, il y a toujours de l’émotion. Parce que le rire, c’est une manière de cacher nos peurs, notre désarroi.

Anne-Marie
… Et de parler de choses dont parfois il est difficile de parler ?

Richard Ruben
Le rire permet de faire passer des choses. Comme d’ailleurs, les thèmes abordés par les films : la collaboration avec les Allemands dans « la grande vadrouille » ; L’homosexualité dans « la cage aux folles » ; les problèmes de couple dans « sept ans de mariage » …

Encore une preuve que l’humour est important : même dans les pièces sérieuses, il y a à un moment, deux ou trois phrases d’humour où les gens rient.

Quand un conférencier a quelque chose de dur à faire passer, il va, à un moment, mettre de l’humour pour faire passer la pilule.

Le rire est universel. Tant que le rire n’est pas dans la haine, qu’il rassemble, qu’il dénonce la bêtise humaine, on peut rire de tout. Si le rire devient une incitation à la haine, il devient hors la loi.

Anne-Marie
Alors pour terminer : as-tu une devise, un mantra selon lequel tu vis?

Richard Ruben
J’ai adopté une devise connue et je l’ai complétée ironiquement :  « L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôtmême dans mon métier ». Même si tu te couches tard comme moi cette nuit à 2 h, ta journée n’est pas foutue le lendemain si tu respectes une forme d’hygiène de vie. Si tu te couches à 5 h, elle est foutue. Il y a une petite limite. Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit mais je n’ai pas perdu ma journée d’aujourd’hui.

Anne-Marie
Tu es donc un homme libre, avec beaucoup de discipline ? 😊

Richard Ruben
😊 Oui. C’est ce qui caractérise qui je suis. J’ai eu une éducation assez classique mais fantasque. J’ai donc gardé une part de cette folie douce.